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TOME QUARANTE ET UNIÈME
JEAN LESQUIER
L’ARMÉE ROMAINE D’ÉGYPTE
D’AUGUSTE À DIOCLÉTIEN
PREMIER FASCICULE
LE CAIRE
IMPRIMERIE DE L’INSTITUT FRANÇAIS
à
D’ARCHÉOLOGIE ORIENTALE
191-8
Tous droits de reproduction réservés
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MÉMOIRES
PUBLIÉS
PAR LES MEMBRES
L’INSTITUT FRANÇAIS D’ARCHÉOLOGIE ORIENTALE
DU CAIRE
TOME QUARANTE ET UNIEME
MINISTÈRE DE L’INSTRUCTION PURLIQUE ET DES BEAUX-ARTS
MEMOIRES
PUBLIÉS
PAR LES MEMBRES
DE
L’INSTITUT FRANÇAIS D’ARCHÉOLOGIE ORIENTALE
DU CAIRE
SOUS LA DIRECTION DE M. GEORGE FOUGART
LE CAIRE
IMPRIMERIE DE L’INSTITUT FRANÇAIS
D’ARCHÉOLOGIE ORIENTALE
1918
Tous droits de reproduction réservés
L’ARMÉE ROMAINE D’ÉGYPTE
D’AUGUSTE À DIOCLÉTIEN
PAH
M. JEAN LESQUIER
A
PIERRE JOUGUET
QUI A RENOUVELÉ L’ÉTUDE DES PAPYRUS EN FRANCE
A
PRÉFACE.
Voici l’ouvrage que nous annoncions en publiant, il y a cinq
f
ans, notre thèse sur Les Institutions militaires de ! Egypte sous les
Lagides. Point n’est besoin, ce semble, d’insister sur l’intérêt que
présente l’étude de l’Armée romaine d’Égypte. On se souvient des
mots de Tacite, au premier livre des Histoires : Ægyptum copias-
que quibus coerceretur jam inde a divo Augusto équités Romani
obtment loco regum : ita visum est expedire provinciam aditu dif-
jicilem, annonce fecundam, superstitione ac lascivia discordem et
mohilem , insciam legum, ignaram magistratuum, domui retinere w ;
et quel profit ne peut-on pas attendre pour la connaissance géné-
rale des institutions de l’Empire d’une recherche qui doit mettre
en œuvre ces documents conservés sur papyrus, sources si pré-
cieuses de l’histoire du droit et de l’administration? L’armée d’É-
gypte n’a pas encore fait cependant l’objet d’un ouvrage impor-
tant (2) ; et c’était une raison de plus d’en entreprendre l’étude.
Nous avons pris pour termes le règne d’Auguste et celui de
#
Dioclétien.
Le premier s’imposait, puisque la réorganisation de l’armée
permanente date de 29 avant J.-G.; et d’autant plus que l’Égypte
n’a été annexée à l’Empire qu’après Actium, et que le premier
contact des armées romaines avec elle ne remonte pas au delà de
w Hist. In.
(2) Voir ci-après, introduction bibliographique, p. xxvii.
IV
lan 55 : les débuts de la conquête nous reportent à vingt-cinq
ans avant l’Empire; et l’histoire des légions qui ont fait partie de
larmee au I er siecle, vers le temps de la troisième guerre contre
Mithridate et a 1 epoque ou Lepide était le collègue d’Octavien et
d Antoine dans le triumvirat. Ce serait, d’autre part, une erreur
que de croire à une influence véritable des institutions militaires
des Ptolémées sur l’armée romaine d’Égypte. Elle est dès l’abord
invraisemblable, s’agissant de cette vieille puissance militaire
quêtait Rome; en fait, elle se réduit a limitation des èntyovoi dans
l’institution des castrenses {1) . Si loin donc que l’on veuille recher-
cher les origines de larmee d’Egypte, on ne dépasse guère la date
de sa constitution au lendemain de l’annexion.
{1) Je dois à M. H. I. Bell d’apprendre que Stein a publié en 1915 des Un -
tersuchungen zur Geschichte und Verwaltung Ægyptens unter rômischen Herrschaft;
il ne les connaît lui-même que par le compte rendu de Schubart dans les Gôtt.
Gel. Anz. 1916, n° 6. Stein pense qu’Auguste aurait incorporé à son armée les
derniers corps de troupes servant sous les Ptolémées, qui ne seraient devenus
romains que de nom. Schubart rejette cette vue, et nous comprenons difficile-
ment comment elle a pu etre exprimée : le problème qui se posait à Auguste en
29 n’était pas de trouver des recrues, mais de diminuer le nombre excessif des
légions formées pendant les guerres civiles; en fait, sous son règne et celui de
Tibère, les légions se recrutent avant tout parmi les Galates; cf. ci-dessous,
p. 2 o y. Or rien ne prouve qu ils aient tenu au i er siècle avant J.-C. une place pré-
pondérante parmi les troupes des Lagides, que nous ne connaissons pour ainsi
dire pas à cette époque. L’opinion de Schubart, que les légions et les auxilia
ont tire leurs recrues complémentaires de la classe des clérouques et catœques
ptolémaïques, est plus raisonnable; nous ne saurions cependant l’admettre en
ce qui concerne les légions, surtout au i er siècle : les Galates n’ayant pas
donne, que nous sachions, un contingent particulièrement important au recrute- /
ment de 1 armee sous les Ptolémées, n’ont pu figurer en grand nombre, pas plus
que leurs descendants, parmi les catœques du i er siècle; quant aux autres catœ-
ques, lorsque le recrutement est devenu local, c’est principalement grâce aux
Si nous arrêtons notre étude à l’avènement de Dioclétien , il ne
nous échappe pas que «le pas décisif qui fit de l’Empire romain
un empire byzantin dut être franchi dans la seconde moitié du v e
siècle » (I) . II est cependant douteux que l’organisation militaire tout
entière soit une preuve de ce fait; si importante que reste au
point de vue technique la transformation de la légion du iv e siècle
en âpidpds (ou Tayjaa), il n’y faut pas voir le caractère essentiel
par lequel les armées byzantines, même au vi e et au vn e siècle,
s’opposent à celles du Haut-Empire; de Dioclétien à l’époque de
la Notitia, elles sont constituées sur des fondements qui resteront
partiellement les leurs sous Justinien. L’engagement volontaire
n’est plus la source du recrutement; le service devient obligatoire-
ment héréditaire dans les familles de soldats; il pèse aussi sur la
terre, et les propriétaires doivent ou fournir des soldats sur la
r
base du caput ou verser à l’Etat Yaurum tironicum, avec quoi il
achètera des remplaçants; les esclaves et les Barbares entrent
dans les rangs de l’armée; le commandant militaire est séparé
du pouvoir civil, pour la première fois dans l’histoire de Rome,
castrenses. Le seul fait assuré pour les auxilia est que les Romains ont levé, et
sans cloute de bonne heure, les cohortes 1 et II Thehæorum dans la région où
la population avait le tempérament le plus belliqueux; les autres corps auxi-
liaires ont continué, lorsque leur création était récente, de tirer leurs recrues
de leur pays originel; pendant combien de temps? dans quçlle proportion? nous
1 ignorons. Enfin, et ceci doit s’entendre du recrutement local en dehors dès
camps pour les légions comme pour les auxilia, les classes gréco-égyptiennes
admises à s’engager comprenaient les privilégiés des cités et des métropoles
comme les descendants et représentants des soldats laboureurs des Lagides, et
nous doutons fort que parmi eux, et même chez leurs parents et leurs ancêtres
du i er siècle avant J.-C., l’esprit militaire ait été particulièrement vif.
(1) Jean Maspero, Organisation militaire de ! Egypte byzantine, p. 1.
VI
et les circonscriptions civiles sont différentes des subdivisions du
territoire militaire; Tannée des frontières est tout entière formée
de soldats laboureurs. Ces principes, qui distinguent si profondé-
ment l’armée du iv e siècle de "celle de l’époque antérieure, sont
conservés après que l’Empire romain est décidément devenu by-
zantin, mais en partie seulement; le service héréditaire obliga-
toire, par exemple, est abandonné; la distinction n’est plus radi-
cale entre les fonctions civiles et les commandements militaires,
entre les subdivisions militaires et les subdivisions civiles du ter-
ritoire : en sorte que, sur ces points, l’armée de Justinien est
plus voisine de l’armée du Haut-Empire que de celle de Dioclé-
tien et de Constantin, tandis qu’au demeurant elle reste fondée
sur les mesures essentielles de leur réforme. Si aux différences
fondamentales dans le rapport entre les institutions politiques et
les institutions militaires aux trois premiers siècles et après Dio-
clétien, on ajoute quau iv e siècle la légion égyptienne a été frac-
tionnée; que les détachements d’autres légions, étrangères jus-
qu alors a la province, l’ont renforcée; que le premier rôle revient
néanmoins à l’infanterie légère et à la cavalerie; que la grande
majorité des nombreux auxilia, tels que nous les fait connaître la
Notitia, est composée d’anciens corps ethniques transformés en
ailes et en cohortes et de nouvelles unités parfois barbares; que
les prœfecti legionis sont remplacés par les præpositi et que les
centurions et décurions disparaissent progressivement; enfin que
le territoire est subdivisé au point de vue militaire en trois régions
commandées par un comte d’Égypte, un duc de Libye et un duc
de Thébaïde : ce sont, croyons-nous, assez de raisons pour nous
conformer à la tradition et dater de Dioclétien la fin de l’armée
— VII
romaine d’Égypte, assez de caractères originaux pour mériter à
celle du iv e siècle une étude particulière, qui, nous avons plaisir
à l’annoncer, vient detre entreprise par M ,le G. Rouillard.
Aujourdhui, nous exposons dans un premier chapitre comment
durant les trois premiers siècles l’armée romaine, avant achevé
la conquête de l’Egypte, a participé à la vie de la province et à
l’histoire générale de l’Empire : récit où nous avons trop souvent
à regretter l’absence des sources littéraires sans lesquelles la tâche
de l’historien moderne reste vraiment difficile. Une documentation
relativement abondante nous permet ensuite de reconstituer l’his-
toire des corps, de donner plusieurs tableaux de la composition de
l’armée à des dates diverses, d’en évaluer les effectifs minima,
d’estimer le rôle qu’y ont tenu les différentes armes. C’est sur
cette statistique fondamentale que s’appuient les études qui sui-
vent : d’abord celle du commandement et des états-majors qui
l’aident, dans ses fonctions, puis celles que nous avons consacrées
à la condition du soldat depuis le jour où il s’enrôle jusque dans
sa retraite. Ces mutations soulèvent la question préjudicielle de
l'èvkpttrts égyptienne; c’est seulement après l’avoir discutée et,
croyons-nous, résolue que nous pouvons traiter des recrues, de
la vie militaire et privée et enfin des vétérans. Grâce aux papyrus
et aux ostrakd relatifs a la fiscalité égyptienne, nous réussissons
dans une assez large mesure à montrer comment, avant le iv e .
siècle, le gouvernement d’une province subvenait aux besoins
économiques de l’armée. Nous donnons en terminant le tableau de
1 occupation militaire de l’Égypte et de ses territoires annexes, ac-
compagné de la carte indispensable. Les appendices reproduisent
ou rééditent certaines de nos sources, et comprennent, avec une
VIII
nouvelle liste des préfets d’Égypte, commandants en chef de l’ar-
mée, celle de tous les autres officiers et des principales et soldats
qui nous sont connus.
Ce livre doit beaucoup aux confrères et aux amis qui ont aidé
nos recherches. Nous prions M ile G. Rouillard, élève de l’École
des Hautes Études; MM. Ev. Breccia, directeur du Musée gré-
co-romain d’Alexandrie; J. Carcopino, professeur à l’Université
d’Alger; Paul Gollart, professeur au Lycée Pasteur; J. Couyat,
l’explorateur du désert arabique; Froidevaux, archiviste de la So-
ciété de Géographie de Paris; Méautis, étudiant de l’Université de
Neuchâtel et élève de notre École des Hautes Études; M. Xoual,
professeur au lycée de Nancy, de trouver ici l’expression de notre
vive gratitude. Nous devons une mention toute particulière à M.
Jules Nicole, un des doyens de la papyrologie, qui a bien voulu
relire pour nous un texte de Genève et vérifier nos conjectures,
et à M. G. Vitelli, qui nous a rendu le même service pour un
papyrus de Florence. En 1 9 1 2 et en 1 9 1 3 , M. W. Schubart a
répondu à plusieurs reprises à nos questions sur certains docu-
ments du Musée de Berlin et il nous a spontanément envoyé les
extraits dun papyrus grec et le texte entier d’un papyrus latin dont
nous parlons aux chapitres iv, v et vi de cet ouvrage. M. B. P.
Grenfell nous a fait l’amitié de nous communiquer en placards
tous les textes du tome XII des Oxyrynchus Papyri qui intéres-
saient notre sujet. Non content de mettre à notre disposition la
nouvelle copie d’un texte de Londres que l’on trouvera à l’appen-
dice II, notre ami M. H. I. Bell s’est constamment intéressé au
progrès de notre travail et n’a cessé de nous faire bénéficier de
IX
ses vastes connaissances bibliographiques. Enfin nous ne saurions
oublier qu’une esquisse de cet ombrage a été jadis préparée sous
la direction de M. G. Bloch, alors maître de conférences à l’École
Normale Supérieure, aujourd’hui professeur d’histoire romaine à
l’Université de Paris, un connaisseur excellent de l’antiquité grec-
que et latine, un guide particulièrement sûr dans l’étude des ins-
titutions romaines et un de ces maîtres pour qui l’enseignement
est l’amitié.
Jean Lesqüier.
INTRODUCTION BIBLIOGRAPHIQUE.
i
LES SOURCES.
A. — LES TEXTES LITTÉRAIRES.
L’étude de l’armée romaine d’Égypte, de ses corps, de son commande-
ment, de son recrutement, de ses cultes, de l’occupation territoriale, est
essentiellement fondée sur une statistique dressée par le dépouillement mé-
thodique de nombreuses sources épigraphiques et papyrologiques. Si l’on
excepte notre chapitre premier, où nous avons tenté de retracer l’histoire
de l’armée dans le cadre général de celle de l’Empire, les textes littéraires
tiennent peu de place en comparaison , et encore n’en est-il pour ainsi dire
aucun auquel sa longueur, sa richesse ou sa portée assurent une place
d’honneur dans une introduction bibliographique. Parmi ceux dont nous
avons fait usage au cours de cet ouvrage, nous ne citerons ici que Tacite
qui , dans ses Annales IV 5 , nous a donné un renseignement capital sur
le nombre des légions d’Égypte en 2 3 après J.-C., et Strabon, dont les
livres XVI et XVII nous apportent , avec des données du même ordre pour
le début de l’Empire et des connaissances géographiques essentielles, les
seules vues d’ensemble que nous possédions sur l’occupation territoriale.
Pour toutes les questions relatives à la condition politique et privée des
soldats et des vétérans, les Godes, mais surtout le Digeste,- nous ont
tamment servi (chap. vi, § III; chap. vu, particulièrement S III).
B. — » LES INSCRIPTIONS.
Les études épigraphiques relatives à l’Empire , à l’Égypte romaine et à son
armée sont dotées de bons instruments de travail, recueils ou périodiques.